Hommage à Louis CALISTI à l’occasion des 100 de sa naissance.

« Ne pas me recevoir,
c’est possible.
Ne pas m’entendre,
c’est autre chose ! »
(Louis Calisti)

 

Intervention de Danielle Calisti
lors du colloque organisé pour le centenaire de la naissance de son père,
Louis Calisti, premier président de la FMF.
Charenton, lundi 7 novembre 2022

 

« Mesdames Messieurs, chers amis mutualistes,
Au nom de toute ma famille, je remercie chaleureusement la Fédération des mutuelles de
France, son président Jean-Paul Benoit et tous les élus fédéraux d’avoir organisé ce colloque
qui rend hommage à Louis Calisti, mon père, à l’occasion du centième anniversaire de sa
naissance.
Mon frère Alain et moi sommes très heureux de répondre à l’invitation de la FMF qui nous
demande de vous livrer un témoignage sur les souvenirs que nous conservons de sa
personnalité et de ses engagements militants.

 

Ceux qui vivent,
ce sont ceux qui luttent


Ces souvenirs sont innombrables, et pour nous poignants. Tout autant que les témoignages
qui confortent l’idée que Louis était un homme exceptionnel. Un homme qui voyait loin et
grand.

Nous, sa famille, ses amis, ses camarades, avons toujours au fond de notre coeur son sourire
bienveillant, ses yeux pétillants, son écoute concentrée aux autres, sa très grande générosité
et son appétit inconditionnel de la vie.

Voici ce que dit mon frère Alain à son sujet :
« Papa était aimé, profondément apprécié, sans doute parce qu’il était reconnaissant, loyal,
fidèle. Fidèle en amitié, fidèle en amour, fidèle à ses convictions ; sans doute aussi parce qu’il
ne cataloguait pas les hommes, sans doute parce qu’il souhaitait véritablement leur
émancipation sociale, leur bonheur. Pour ses enfants, il était un père rassurant, compréhensif
et doux. Il demeure pour nous un exemple, un repère. Pour notre mère, il fut un amour
indestructible. »

Notre père a eu une vie intense, riche, passionnante. Il est difficile de la retracer en quelques
minutes. Cependant je vais tenter de vous communiquer ce qui lui tenait à cœur.

J’apprécie particulièrement l’intitulé du colloque « L’actualité des combats
mutualistes de Louis CALISTI ». COMBAT est en effet le mot qui définit le mieux sa personnalité. D’ailleurs, il nous citait souvent ce premier vers du poème bien connu de
Victor Hugo : « Ceux qui vivent ce sont
ceux qui luttent ».
Et combattant, notre père l’était.
Et les deux années passées dans la
résistance armée n’ont fait que révéler
le caractère du jeune Louis à la
personnalité déjà bien trempée.

Cette période a été déterminante pour comprendre les choix qu’il a fait plus tard.

Permettez-moi de vous faire le récit de quelques-uns de ses faits d’armes.

 

Le serment des bastiais


Il est né le 23 décembre 1922 à Mausoléo, un petit village du Cap Corse.

Mon père a toujours été très attaché à son île natale. Et dès l’âge de 16 ans, il le prouve.

Nous sommes en 1938 : Mussolini veut annexer la
Corse. « Je veux la cage sans les oiseaux » disait le
dictateur italien, dont le projet était d’expulser les
Corses en Ethiopie ! « VIDEREMU » [nous verrons]
écriront plus tard les Résistants Corses sur les
affiches de propagande fascistes collées aux murs
de Bastia. C’est le 4 décembre 1938 que Louis
prête serment avec plusieurs milliers de Corses
réunis sur la place St Nicolas de Bastia : « Face au
monde, sur nos gloires, nos berceaux, nos tombes,
nous jurons de vivre ou de mourir français ». C’est
le « Serment des Bastiais ». C’est sans doute à ce
moment que l’idée de résistance se concrétise
dans la tête de mon père.
Et d’ailleurs, un an plus tard, venu à Marseille il se promène sur la Canebière avec des copains. Au
même moment, des troupes italiennes défilent. Il accomplit alors son premier acte de résistance. Il siffle et hue l’envahisseur. La police le poursuit. Ses copains et la foule bienveillante font
barrage, il réussit à s’échapper.

Peu de temps après, il est réquisitionné dans les « chantiers de jeunesse », comme la plupart des jeunes de son âge.

Au début de l’été 1943 l’administration des chantiers veut envoyer ces jeunes au Service du
Travail Obligatoire en Allemagne. Il est hors de question pour lui d’aller en Allemagne ! Il
décide de s’évader. Il se retrouve dans les Basses Alpes (actuelles Alpes de Haute Provence). Les « maquis » sont créés depuis peu. Il adhère, en pleine tourmente, au parti communiste français, alors clandestin.

Cette adhésion s’est faite après la rencontre avec des responsables de la résistance FTPF. Les
Francs-Tireurs et Partisans Français étaient, à ce moment-là, la seule organisation militaire de
la Résistance qui attaquaient les Allemands et leurs complices français (notamment les
miliciens). Rapidement, Louis fut nommé chef de groupe.

Le premier maquis de ce qui était alors les « Basses Alpes » venait d’être créé. Il a fallu
apprendre à manier les armes, utiliser les explosifs, les transporter.

L’une de ses premières missions consistait à transporter des explosifs en train. Il ignorait alors
que le plastique dégageait une odeur tenace d’amande amère. Il a fait le voyage à côté de
gendarmes, sans être inquiété !

Louis est sorti vivant de l’enfer de la guerre grâce à son courage, à son audace, à la chance
aussi, mais surtout grâce à une extraordinaire force de conviction !

Une nuit, il revenait de mission avec deux de ses camarades. Les trois jeunes gens tombent
dans une embuscade tendue par des gendarmes. Ils sont arrêtés…

Les gendarmes ont eu peur !


Louis a affirmé haut et fort que s’ils n’étaient pas relâchés immédiatement, les
résistants qui attendaient leur retour au camp viendraient tuer la totalité des gendarmes dès
le lendemain. Leurs camarades n’étaient même pas au courant de leur mission ! Par crainte
de représailles les gendarmes les ont relâchés.

Un jour, il avait rendez-vous dans un bar avec son chef de réseau, mais retenu par une autre
mission, il arrive en retard et trouve l’établissement fermé. Une femme sort de la maison
voisine. Elle lui raconte que tous les gens présents dans le bar ont été arrêtés par les
Allemands. Dans la minute qui suit deux soldats allemands restés en embuscade l’empoignent
et l’emmènent pour « être interrogé ». Ils attendaient, pour le faire, un officier supérieur qui
au bout d’une heure n’était toujours pas arrivé. Profitant de l’attente, Louis s’est mis en colère
et a expliqué qu’il avait été arrêté par erreur et qu’il devait absolument rejoindre l’hôpital
d’Aix-en-Provence dont il était l’économe, chargé du ravitaillement… C’est du moins ce qui
était indiqué sur ses faux papiers ! Il a tellement protesté que, l’officier supérieur n’arrivant
toujours pas, les soldats ont fini par le laisser partir !

Les deux problèmes majeurs étaient le transport des armes et le ravitaillement. Il fallait être
audacieux ! C’est dans une remorque tractée par un vélo qu’il transporte une mitrailleuse
recouverte de jouets d’enfants. C’était Noël ! Un de ses camarades le suivait à vélo avec une
remorque également pleine de jouets, mais sans armes. Arrêtés pour un contrôle, c’est
uniquement ce dernier qui a été vérifié ! Chanceux, ils ont pu repartir tranquillement.
Chanceux également lors d’une attaque et que son arme s’enraye, en face à face avec un
milicien. Deux camarades heureusement sont en soutien à ses côtés.

A la veille du débarquement de Provence, il était en mission à Valence dans la Drôme pour
armer les maquisards et organiser leurs actions. Il était alors, à 22 ans, l’un des responsables
militaires FTPF de Provence. Il appartenait à l’état-major des FFI, siégeant à Marseille.
L’unification de la Résistance s’était faite.

En route pour la Libération de Marseille…
dans un camion de la Wehrmacht !


Il lui fallait absolument rejoindre Marseille pour participer à la réunion du Comité régional FFI
qui devait décider des actions à entreprendre. Comment faire ? Les routes et les voies ferrées
étaient bombardées par les Américains. Donc pas de véhicule ni de train disponibles. Reste le
vélo : trop long.

Un plan s’est formé dans sa tête. Un plan risqué, extrêmement risqué même. Il est allé à la
kommandantur à Valence, s’est présenté au commandant toujours avec la même couverture,
économe à l’hôpital d’Aix-en-Provence. En critiquant très fortement les Américains qui
détruisaient les routes et les lignes de chemin de fer, il a raconté qu’il lui fallait absolument
rejoindre Aix. Persuasif, il a réussi à convaincre le commandant ! Ce dernier lui propose
d’embarquer le lendemain matin à bord d’un camion prévu pour transporter des soldats à
Marseille. Il a fait tout le trajet aux côtés de soldats allemands qui redoutaient d’être attaqués
par « les terroristes français » !

En effet, ce camion courrait le double risque d’être bombardé par les Américains et attaqué
par les résistants FTPF que Louis venait lui-même d’armer ! Il est arrivé à Marseille sans
encombre pour assister à la réunion. Là, il apprend que l’état-major FFI a reçu l’ordre de la
part de l’armée du débarquement de ne pas déclencher l’insurrection à Marseille.

« Nous ne pouvions pas y croire, dit-il. L’incompréhension, la colère le mécontentement
étaient grands. Passant outre l’ordre de l’armée du débarquement, nous décidâmes de
déclencher l’insurrection générale ». L’insurrection de Marseille « aspira littéralement l’armée
française » selon l’expression du général de Monsabert.
Louis était alors galvanisé par l’exemple de son île natale ! « Les Corses auraient pu attendre
que la victoire des autres réglât leur destin ; au lieu de cela, unis au sein du Front National
Corse, ils ont préféré être eux-mêmes les vainqueurs ! La Corse a la fortune et l’honneur d’être
le premier morceau libéré de la France » déclara le Général de Gaulle le 8 octobre 1943 à
Alger.
Louis s’est battu, entre autres combats, pendant les dernières années de sa vie, au sein du
bureau national de l’A.N.A.C.R (Association des anciens combattants de la Résistance) pour
que ce fait historique figure dans les manuels scolaires. Il allait notamment à la rencontre des
jeunes dans les écoles, les lycées dans toute la Corse. L’A.N.A.C.R a obtenu gain de cause en
en 2012.
Il y aurait bien d’autres histoires comme celles-ci à raconter. Il a risqué sa vie à chaque instant
pendant presque deux ans.

La mutualité, le hasard et l’amitié


A la suite de sa démobilisation, Louis revient à Marseille.

C’est au hasard et à l’amitié, dit-il, qu’il doit sa véritable rencontre avec la mutualité.
Permettez-moi de vous citer l’avant-propos de son livre « La Mutualité en mouvement » paru
en novembre 1982, il y a donc juste 40 ans. J’apprécie d’ailleurs que ce titre ait été repris par
les Mutuelles de France aujourd’hui pour le livre qui est paru l’année dernière sur l’histoire de
la Mutualité.

« A la fin de 1956, le Conseil d’administration de l’Union départementale de la Mutualité des
Travailleurs des B.D.R recherchait un directeur pour ses services. Son président, Pierre
Gabrielli, me fit l’honneur et l’amitié de me demander d’accepter ce poste. Il s’agissait plus
pour moi de répondre à un besoin de dépannage que d’un engagement durable. Mais la
découverte du monde mutualiste allait en décider autrement. Cette découverte se révéla
passionnante.
« La connaissance de l’histoire de la mutualité, son rôle, de la place qu’elle occupe dans notre
société me permirent d’apprécier sa contribution au progrès social.
« La mutualité m’est apparue comme l’un des facteurs décisifs pour plus de solidarité, plus de
justice, de démocratie et de liberté. Comme l’un des facteurs décisifs pour permette à chaque
femme, à chaque homme de pouvoir développer pleinement toutes ses potentialités
physiques, morales et intellectuelles. »

Toute sa vie il a combattu pour atteindre ces objectifs.

C’est compliqué pour moi de restituer toute la trame de sa pensée. L’essentiel de ce que je
sais sur la mutualité, je l’ai acquis au cours d’échanges et de discussions en famille. C’était
passionnant de discuter avec lui. Je ne manquais pas alors une occasion de le faire.

L’ordonnance du 19 octobre 1945
comme livre de chevet


Le point de départ de sa réflexion a été les ordonnances de 1945. Le 4 octobre 1945 c’était
l’institution de la Sécurité sociale. La mutualité d’alors s’est sentie attaquée et dépossédée.

Mais la seconde ordonnance (du 19 octobre) compensait largement cette dépossession. Elle
donnait un nouveau statut à la mutualité. Il m’a dit un jour : cette seconde ordonnance a été
mon livre de chevet.

Elle donnait plus de liberté aux sociétés mutualistes et elle ouvrait tout le champ social à
l’action de ses groupements. Fait capital, elle créait une catégorie nouvelle de sociétés, les
sociétés mutualistes d’entreprise.

Partant de là et de la définition de la santé de l’O.M.S « La santé ce n’est pas l’absence de
maladie mais un état complet de bien-être social moral et mental », il a élaboré toute une
stratégie d’intervention de la mutualité dans le champ social autour de deux axes :

Construire une Mutualité d’action, de gestion et de réalisations qui soit un mouvement
indépendant de tout parti politique et de tout syndicat.
• Rassembler les mutualistes sur les questions de santé (au sens large) et de protection
sociale, de prévention, et surtout les faire agir et les faire intervenir dans la gestion. « Ainsi
la mutuelle tend à faire de l’individu un sujet actif et non l’objet d’une pratique sanitaire
et sociale » dit-il dans son livre « la Mutualité en mouvement »

Action, gestion, réalisation : trois composantes qui sont en lien les unes avec les autres, qui
se nourrissent les unes les autres, qui interagissent les unes avec les autres pour former une
mutualité en mouvement qui déplace les lignes.

Ce fut alors la promotion d’une pratique médicale nouvelle et originale fondée sur la notion
de santé globale et de prévention. Ce concept est né dans les années 50 dans les Bouches-du-
Rhône, à « Maison-blanche » à Marseille, à l’initiative de quelques médecins communistes,
anciens résistants.

Permettre aux plus démunis de se soigner


L’équipe initiale de Maison Banche comprenait un petit nombre de généralistes et de
spécialistes. L’objectif était de proposer des soins de qualité sans lien d’argent entre médecins
et patients. Ce qui permettait aux plus démunis de pouvoir se soigner.

La rencontre entre cette pratique médicale nouvelle d’accès aux soins de santé et la mutualité
a abouti à la création de centres de santé, d’un vaste réseau sanitaire dont le fleuron était et
reste La Feuilleraie. Dans ces centres, une médecine de qualité, gratuite pour les mutualistes
en contrepartie de leurs cotisations est dispensée par une équipe pluridisciplinaire de
médecins rémunérés à la fonction et non à l’acte. (Il y avait 14 centres de santé dans les B.D.R à la fin des années 90).

Dans La Marseillaise du 9 août 2005, le journaliste qui rend hommage à mon père après son
décès évoque « une personnalité audacieuse et créative ». Je confirme c’était un créateur,
c’était un bâtisseur. Pour atteindre ses objectifs il se lançait dans la bataille les armes à la main,
si je puis dire.

Les réalisations ont d’abord été concrétisées dans les domaines du sport, des loisirs de la
culture. Comme de nombreux enfants de mutualistes, nous avons pu, mon frère et moi
bénéficier de ces structures.

Nous avons appris à skier dans les plus grandes stations de ski au cours de séjours dans des
hôtels mutualistes, à une époque où le ski commençait à peine à se démocratiser. Jeune
adolescent, mon frère s’est initié à la plongée sous-marine, une discipline qu’il a pratiquée
jusqu’à 50 ans passés.

Je me souviens aussi des « galas » organisés par la mutuelle à Marseille.
Les plus célèbres artistes de la chanson française de l’époque – c’était les années 60 ! –
venaient s’y produire. Parmi eux je me souviens d’Hugues Auffray, de Julien Clerc et autres
stars de l’époque.

Il y a eu aussi les réalisations dans le domaine du logement social (1971) avec la création du
GIMPLOS, dans le domaine de l’information et de la communication avec la création de
l’association collectivités images et son « Col Ima Son », de la radio locale Forum 92, du journal
La vie Mutualiste qui est devenu Viva en 1987.

Il voulait investir dans le champ de l’économie sociale. Il était à l’origine de toutes ces
réalisations. Mais celles-ci ont pu voir le jour car il a su s’entourer d’hommes et de femmes
remarquables. Je voudrai citer ici Yvette Giana, présidente de l’union départementale des
Bouches-du-Rhône de 1982 à 1990 : « Louis a été à cet égard, l’homme de la promotion des jeunes et des femmes. « J’ai eu l’immense honneur d’avoir été choisie pour lui succéder à la présidence de l’Union, moi une modeste militante et de plus une femme. En 1982, il fallait un certain courage pour agir ainsi. »

Le courage, il en avait beaucoup !

Face à René Lucet


Il tient tête par exemple en 1980 à l’envoyé du gouvernement Barre, René Lucet.
Parmi les documents qu’il nous a laissés en héritage, j’ai trouvé une chronique des
évènements qui se sont produits pendant cette période.

Envoyé spécial du gouvernement, René Lucet prend la direction de la caisse de Sécurité sociale
des Bouches-du-Rhône en juin 1979. Il avait les pleins pouvoirs, officiellement pour mettre de
l’ordre dans la Caisse primaire. Mais officieusement pour organiser la mobilisation générale
contre la Mutualité.

Louis organise la riposte, avec bien sûr toute son équipe.

A l’automne 1980, la majorité patronale de la Caisse primaire d’assurance voulait empêcher
l’ouverture du centre de Gardanne et fermer les centres Paul Paret et Gaston-Crouzet, ainsi
que les cliniques de Bonneveine et la Feuilleraie. Tous les moyens furent utilisés, y compris
les plus illégaux. Le président de la caisse n’hésitait pas à refuser le remboursement des actes
accomplis dans les centres de santé.

Des dizaines de milliers de signatures, des centaines de délégations, deux manifestations de
rue, l’une en novembre, l’autre en décembre ont permis de gagner la bataille.
L’affrontement a été marqué par des épisodes hauts en couleurs : les journalistes ont même
parlé à l’époque du fort Alamo de la sécu.

Louis raconte :
« Nous avons ce jour-là appelé les mutualistes à envoyer de fortes délégations au siège central
de la Sécurité sociale où devait se tenir le conseil d’administration. Il y a beaucoup de monde.
Le froid est mordant, c’est le mois de novembre, mais le mordant des manifestants est plus
intense encore. « L’entrée du parc est fermée par de lourdes chaînes placées autour de la grille. C’est un jeu d’enfant, grâce au savoir-faire de quelques manifestants de faire sauter ces chaînes.
« Soudain un haut-parleur grésille et je suis personnellement interpellé. C’est René Lucet :
”Monsieur Calisti, vous êtes à la tête de vos troupes, mais il en faut plus pour m’intimider. Je
refuse de vous voir et de vous entendre !” Ne pas me recevoir, c’est possible. Ne pas
m’entendre c’est autre chose ! Il faudra faire monter la pression »

Samedi 20 décembre 1980 : 20 000 personnes défilent dans la rue jusqu’à la Préfecture où
une motion est remise.

René Lucet téléphone au siège de la Mutualité après cet évènement pour solliciter une
rencontre.

Celle-ci aura lieu au Novotel à Saint-Marcel dans des conditions rocambolesques, dignes d’une
scène d’un polar de Jean-Claude Izzo. En effet les deux protagonistes sont venus chacun avec
4 gardes du corps armés.

La discussion est longue, difficile. Finalement le texte de l’accord est rédigé.

Le centre de Gardanne a été inauguré en avril 1981. Les autres centres ont poursuivi leur
activité.

René Lucet confiera à mon père plus tard : « vous êtes un ennemi politique, mais je dois dire
que j’ai le plus grand respect pour vous ».

 

Le peuple, artisan et bénéficiaire de la Mutualité


Louis avait la conviction profonde que la Mutualité, tôt liée à l’histoire même du peuple
français, artisan de cette histoire en même temps que bénéficiaire, ne pouvait être rayé ou
marginalisé par qui que ce soit.

A ce sujet, je salue l’initiative des Mutuelles de France : celle d’avoir publié ce très beau livre
sur l’histoire de la mutualité afin qu’elle soit connue du plus grand nombre.
Il rappelle entre autres que la loi Gisserot a fait entrer les assurances privées dans le secteur
de la santé créant ainsi une concurrence acharnée et déloyale entre les mutuelles et les
assurances privées.

A l’heure de la crise économique, sociale, politique, climatique, comment faire vivre les
valeurs de solidarité et d’entre aide dans une société où les critères de rentabilité
prédominent toujours plus ?

Mon père avait prévu dans les grandes lignes, au début des années 2000, la situation difficile
que nous connaissons aujourd’hui dans le secteur de la santé et de la protection sociale, plus
généralement dans la société elle-même.

Mais disait-il il y aura toujours des militants.

A cet instant, je me souviens du titre, porteur d’Espoir, qu’il a donné au rapport du Conseil
d’administration présenté au premier congrès des Mutuelles de France à Nice en 1987 : « le
pari sur l’homme ».

Mesdames, messieurs je vous remercie de votre attention. »

Document :

« Les médecins rouges de Maison Blanche »

« En 1951, deux médecins généralistes communistes, bientôt rejoints par plusieurs spécialistes, mettent en place le premier cabinet de groupe pluridisciplinaire à Marseille, dans un local loué à la clinique de Maison Blanche. Un exercice original y est élaboré, fondé sur la suppression du lien d’argent entre médecins et malades et l’alignement des honoraires sur les tarifs de la Sécurité sociale. Les « médecins rouges de Maison Blanche », tels qu’ils sont surnommés, innovent également par l’instauration d’une égalité de rémunérations entre praticiens, quels que soient leurs grades, leur ancienneté ou leur spécialité. Face au succès du cabinet, l’équipe de Maison Blanche se trouve vite à l’étroit. Après plusieurs mois de recherche, un petit immeuble est trouvé dans un ensemble HLM proche du centre de Marseille. Devant le refus opposé par le PCF de contribuer à son acquisition, l’achat est réalisé par le biais d’une société anonyme à capital et personnes variables, avec des actions de 100 francs proposées aux médecins et à leurs proches, mais aussi aux patients. Mise en fonctionnement fin 1955, la clinique de La Feuilleraie est au coeur d’une pratique médicale originale. Ses praticiens, soudés autour de valeurs communes et de leur engagement militant, aspirent à une pratique humaine et familiale, où « les malades ne sont pas des fiches d’observation ou des numéros de lits » et où « les rapports avec eux, des infirmières autant que des médecins, sont humains, toujours cordiaux et parfois même amicaux ». L’équipe de neuf médecins à temps plein est complétée par de nombreux praticiens à temps partiel, des infirmières et des secrétaires médicales. » Charlotte Siney-Lange, La Mutualité. Grande semeuse de progrès social, Éditions de la Martinière, 2018.

2022-12-05T08:05:28+00:0022 novembre 2022|

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